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jeudi 26 avril 2012

Jazz éclectique à Yaoundé

Musique

Le virtuose trompettiste français Collignon a réveillé les jazzophiles groggys de la capitale mercredi dernier.
Aux jazzophiles de Yaoundé, il manquait ça ! Une soirée où ils seraient entraînés sur les sentiers multiples et infinis d’une musique que l’on ne savourait à Yaoundé plus que par intermittence depuis la disparition des festivals à lui consacrés. Mercredi 18 avril, quelques semaines seulement après un concert d’un quartet camerounais nouvellement formé, l’Institut français du Cameroun (Ifc) a remis ça. Cette fois-ci avec un autre quartet venu de la France.
Et au bout de deux heures d’une performance qui a parfois frôlé le sublime, ce groupe constitué d’un contrebassiste, d’un batteur, d’un pianiste et d’un trompettiste a mouillé chemise. C’est quoi le jazz déjanté en fait ? Est-ce du jazz pop, du jazz punk, du jazz rock ? Pas question de se fendre le crâne avec ses questions. Car Médéric Collignon, artiste de l’année aux Victoires du jazz en 2010, et ses compères ont associé tout cela. En partant bien sûr des fondamentaux. C’est ainsi qu’un parfum de Miles Davis, celui du jazz électrique du début des années 70, a plané sur la soirée. Tout comme une invocation du pianiste Herbie Hancock.
Un retour qui a mieux conduit les instrumentistes vers d’autres sphères rythmiques comme la soul, le rock et même le high life. De cette soirée, on retiendra surtout la folie contagieuse de Médéric, son art de la trompette, ses jeux vocaux ainsi que sa verve improvisée, ses expérimentations vocales et électroniques. Car l’homme est capable de produire des sons insoupçonnés avec une rapide vitesse d’exécution. De sa voix, il produit des sons inimaginables, la transformant et la déformant au gré du tempo et de son humeur. Un vrai caméléon capable de rompre avec bonheur un certain iconoclasme que l’on croyait indécrottable du monde du jazz.
 «jazz déjanté»
Le rendu fût ainsi parfois bruyant. Sans que l’on ne retrouve à redire tant l’harmonie instrumentale était des plus maîtrisée. Il y eut aussi beaucoup de cadences, de ruptures, de départs en trombe ou de bifurcations inattendues. Toujours dans une bonne humeur et une concentration qui a déteint sur un public savourant jusqu’à la lie une partie enchantante à maints égards dans une fièvre du mercredi soir. Le chef de bande pour sa part a été digne de son statut. Offrant une performance individuelle qui a positivement rejailli sur l’ensemble.
Oui il y a chez cet instrumentiste polyvalent quelque chose d’Africain. Cette façon de se laisser pénétrer par le beat, de partager sa bonne humeur avec le public, de jouer à partir de postes différents comme dans un théâtre total propre au continent noir, de communiquer cette bonne humeur au reste de l’équipe, de souffler dans sa trompette avec rage et calme à la fois ont contribué à faire croire au public africain présent qu’il était l’un des leurs. Toutes choses qui ont amplifié son pouvoir artistique imaginatif et sans limites et ainsi bonifié l’ensemble des créations de la soirée. D’ailleurs, il ne s’est pas privé de revenir deux fois après le rideau pour continuer de communier avec ses nouveaux fans. Comme s’il voulait suspendre ce temps qui n’est pas si précieux que ça dans la culture africaine profonde.
Au bout, cet éclectisme musical de bon aloi a ramené au goût du jour la question de la place du jazz, musique d’Afrique par excellence à Yaoundé. Mais là est une autre histoire que l’avenir se fera l’honneur et même le devoir de rectifier. En sortant de ce «jazz déjanté», on a même oublié le bourdonnement des premières minutes du concert pour ne retenir que le jeu des instrumentistes et le voyage impossible qu’il a instillé chez des mélomanes conquis.

lundi 23 avril 2012

David Noundji: C’est le théâtre qui m’a fait


Théâtre

Après 30 ans de pratique et des lauriers, le comédien n’est pas prêt de faire ses adieux et continue de tracer son sillon depuis Yaoundé.

Ceux qui l’ont récemment vu sur scène peuvent le confirmer : les années n’ont pas eu raison du talent de David Noundji. Lui qui prend toujours un grand soin à bien assimiler son texte et à satisfaire aux désidératas du metteur en scène sans chialer ni regimber. Avec son dernier mono «Verre cassé», une adaptation de l’œuvre éponyme et à succès du Congolais Alain Mabanckou mis en scène par sa complice Louise Belinga sous la bannière de la Compagnie Bena Zingui, David Noundji s’éclate, au propre comme au figuré, passant des salles plus exiguës comme le Centre culturel Francis Bebey ou l’Othni aux planches plus réglementaires comme celle de l’Institut français du Cameroun.
Un numéro dans lequel il mord à chaque fois comme un gamin une tranche de pastèque. Avec un plaisir qui n’a d’égal que son amour pour le théâtre et son vœu de ne pas le voir mourir comme peut le laisser croire la rareté de spectacles de niveau sous le ciel camerounais. Comment pouvait-il d’ailleurs en être autrement pour ce comédien qui pratique le théâtre depuis quasiment le berceau et qui est né un 23 décembre ? «Je suis arrivé au théâtre par les récitations, mieux les récits de Noël, raconte-t-il l’air très sérieux. Du temps de mon enfance, la naissance de l’enfant Jésus était un moment important dans les villages, un moment extra où il fallait mettre en scène l’arrivée du fils de Dieu au monde». C’est ainsi qu’au fil des célébrations de la fête de la nativité, il se signalera par sa capacité à assimiler ses textes et à bien les rendre.  Cela d’une bourgade à une autre.
De Bafang à Bangoua en passant par Bazou dans la région de l’Ouest du Cameroun, et alors que l’atmosphère est des plus tendus du fait de la lutte contre les derniers nationalistes de l’Union des populations du Cameroun dont le leader Ernest Ouandié est originaire de la région, le petit David fait ses gammes dans les chapelles avec l’insouciance qui sied à son âge. A chaque rendez-vous, il s’attèle à faire honneur à sa réputation et à satisfaire ses mentors et le public. Un bonheur n’arrivant jamais seul, le voilà qui, son certificat d’études primaires et élémentaires (Cepe) en poche, prend une inscription au Ces de Bagangté où il croise la route d’un certain Gaston Nguetsa, actuel inspecteur national des arts au ministère des Enseignements secondaires. Ce dernier vient de mettre sur pied une troupe scolaire et a pour disciple dans sa classe de français le petit David. Un garçon qui n’a pas perdu sa facilité pour les récitations. Cela tombe bien puisque l’un des cours de M. Nguetsa est justement… la récitation. Ses bonnes notes lui ouvrent alors les portes de la troupe sous l’œil de son prof. «Malgré mon jeune âge, j’étais régulièrement distribué dans les créations de la troupe», se souvient Noundji. S’enchaînent alors des pièces devenues depuis des classiques du théâtre camerounais comme «Jusqu’à nouvel avis» ou «La secrétaire particulière».
Planches et études
Si David se donne à fond sur les planches, il n’oublie pas ses études. Et alors qu’il s’apprête à faire le déplacement de Bafoussam pour y fréquenter l’unique lycée de la région, voilà que son établissement en devient un suivant la volonté des autorités scolaires de Yaoundé. David continue donc son apprentissage, sans se faire aucune illusion. Déjà, c’est la Terminale et le Bac. On est alors au début des années 80 et l’adolescent doit aller poursuivre ses études à l’unique université d’alors du pays qui est à Yaoundé. Il y va sans véritablement savoir quelles humanités il compte poursuivre. Il a tout de même des appréhensions vu qu’il va bientôt vivre hors du cocon familial et dans une grande ville. Mais, se dit-il, impossible n’est pas Noundji et on va voir ce qu’on va voir.
C’est alors -providence ?- qu’il va croiser «fortuitement», tient-il à préciser, Tadie Tuene dans les couloirs du décanat de la Faculté des Lettres. «Pendant notre échange, il va me conseiller de prendre en option l’art théâtral, alors que moi j’avais un faible pour la langue de Goethe.» il s’inscrit donc en langue française dans l’option que lui a conseillé Tadie Tuene. Un conseiller qu’il va bientôt retrouver au Théâtre universitaire, une compagnie que la Française Jacqueline Leloup, après des états de services plus que concluants au Lycée du Manengouba à Nkongsamba, a mis sur pied avec la complicité des autorités universitaires il y a seulement quelques années et qui est doucement en train de se hisser vers les sommets.
A son bureau à Ekoumdoum, David Noundji feuillette l’album souvenir de cette époque avec beaucoup de plaisir. Prenant même le soin de s’arrêter sur chaque complice de la troupe universitaire comme les François Bingono, Elisabeth Mballa Meka, Keki Manyo, Abessolo Mbo, Félix Kama, Alex Stéphane Ewané, Tabiapsi… «Pour moi qui venais de Bagangté, c’était à la fois une joie et un défi d’appartenir à cette compagnie ; je découvrais alors ce qu’est le théâtre pour de vrai. J’étais heureux et me suis mis au travail.» Et de travail il y en a vu que Mme Leloup tient à mériter la confiance des autorités et à faire du Théâtre universitaire une troupe professionnelle. C’est ainsi que les répétitions ont lieu quatre fois par semaine (lundi, mercredi, vendredi et samedi) avec une rigueur plutôt allemande. «C’est de ce travail acharné que naît la réputation de cette troupe. Mme Leloup insistait sur le travail physique bien sûr, mais aussi sur la qualité visuelle de l’ensemble. Il nous arrivait ainsi de répéter une réplique une centaine de fois !»
Une besogne pour laquelle il survivra, et même plutôt bien si l’on considère la suite. Mais avant toute chose, le comédien explique : «je dois une fière chandelle à mes aînés du théâtre universitaire qui nous ont pris sous leurs ailes protectrices et nous ont encadré de la plus belle des manières». Un encadrement idoine qui lui permettra de bien figurer au générique du «Regard du roi», sa première pièce. D’autres suivront au fil des ans comme «Le testament du chien», «Meyong Meyeme», «Gueïdo»… Des créations qui demanderont tout le talent de la vingtaine de jeunes étudiants de la troupe ainsi que des moyens financiers inimaginables même aujourd’hui. Du fait de la confiance des autorités, des moyens financiers sont ainsi mis à contribution. «Je me souviens que rien que pour les costumes, il arrivait que l’on dépense jusqu’à un million et demie !»
Jacqueline Leloup
Décidément, rien n’était refusé à Mme Leloup qui était une mère poule pour les membres de la troupe qu’elle couvait de tout son dévouement pour le théâtre et qui n’était pas moins pointilleuse sur le rendu des spectacles. «Je dois cependant avouer que son principal trait de caractère était sa rectitude morale», se souvient Noundji. Une attitude qui aidera ce dernier à franchir un nouveau palier. Il raconte. «En septembre 1984, la troupe se prépare pour son premier voyage à Limoges. Durant des semaines, la troupe est en répétition sans moi, vu que je ne suis pas sélectionné. Une dernière répétition est prévue un samedi et c’est le moment que choisit une comédienne pour s’en aller dire au revoir à sa famille. Elle sera remplacée quelques jours plus loin ainsi qu’un autre comédien dans la même situation par moi-même, sans état d’âme ! »
Commence alors une carrière faite de succès en Europe et en Afrique. Avec des lauriers souvent comme au Festival du théâtre scolaire de la francophonie d’Abidjan en 1988, l’ancêtre du Marché des arts et du spectacle africains (Masa). Au retour de cette expédition, le chef de mission, un certain Jean Tabi Manga sera nommé à la direction de l’Ecole normale supérieure et interviendra pour que Noundji, qui vient d’être recruté à la Fonction publique comme prof de français parmi les 1500 nouveaux fonctionnaires recrutés par décret, ne soit pas affecté à Yokadouma. Ce sera peine perdu, même si au bout d’un an, Noundji retrouvera la capitale. Mais avec le départ de Mme Leloup et la crise économique, le Théâtre universitaire a perdu de son âme et de sa superbe. Le nouveau responsable de la troupe penche pour le théâtre classique et le délitement commence.
Une autre carrière s’ouvre alors pour le prof de français qui va donner un coup de main à François Bingono qui vient de mettre sur pied son centre de formation Alabado Théâtre qui a pris ses quartiers à la radio nationale et d’où sortiront les Wakeu Fogaing et Martin Ambara. Là, il rend aux cadets ce qu’il a reçu. Au bout de quelques années et avec la fermeture de cet espace pédagogique du théâtre, il rejoint Louise Belinga qui travaille dans le cadre du théâtre du développement avec sa troupe dénommée Bena Zingui. Déjà, l’envie des planches est de retour et Noundji lui laisse laisse carte blanche. Ce sera donc «Minkul Minem» de son vieux pote Félix Kama qui lui permettra d’essayer, 15 ans après ses débuts le mono. Avec de nouveau le succès vu qu’il fera impression au Masa 99 après les salles camerounaises et avant des dates en France et en Afrique.
L’année d’après, c’est en duo avec Martin Ambara qu’il part en tournée africaine et italienne dans la pièce «L’épopée d’Angon Mana» d’Ayissi Nkoa avec un passage remarqué au Masa 2003. Le spectacle bénéficiera même du Compte d’affectation spéciale du ministère de la Culture. «Avec Minkul Minem, j’ai connu de nouvelles sensations comme celle de jouer dans une chambre d’hôtel, près des piscines dans des salons, etc.» Suivront d’autres créations jusqu’à ce «Verre cassé» qui était en fin d’année dernière en représentation au Tarmac des auteurs à Kinshasa. Des rendez-vous qui n’occultent pas ceux qu’il a régulièrement avec son ami Léonardo Gazzola, un Italien avec qui il a goupillé un stage de conte avec les ressortissants de leurs deux pays depuis 7 ans maintenant.
Il continue également d’enseigner au Lycée de Mfou. Tout comme il a décidé depuis quelques années de faire d’une partie de sa concession à Ekoumdoum un centre culturel avec salles de spectacle, cases de passage pour les artistes et bureaux. Car «je pense que je dois donner au théâtre tout ce qu’il m’a donné». Une belle formule qui en dit long sur l’avenir de celui qui se dit déterminé à faire du théâtre encore longtemps. C’est tout le mal, vu ses états de service dans l’art, que l’on peut lui souhaiter.
Parfait Tabapsi

Repères
23/12/1960 : naissance à Bafang
1982 : rejoint le Théâtre universitaire
1984 : premier voyage en France
1988 : recruté à la Fonction publique comme prof de français
1992 : formateur à l’Alabado Théâtre
1996 : rejoint la Compagnie Bena Zingui
1999 et 2003 : participation au Masa
2010 : création de «Verre cassé»

mercredi 18 avril 2012

Douala se livre


Littérature
Dans son livre-enquête, Megopé Foondé sonde avec une certaine réussite le mystère des noms des espaces habités. Surprises au menu.
«Douala, Toponymes, histoire et culture» fait partie de ces livres que l’on lit d’un trait, mais pas une seule fois. Car la foultitude d’informations qu’il renferme vous autorise à y recourir très souvient, surtout pour qui, comme les journalistes ou les sociologues, cherche à comprendre les lames de fond qui travaillent la fronde et la défiance qui vont comme un gant à cette métropole. Car si Douala est resté dans la mémoire collective des Camerounais comme le lieu d’expression de ceux d’entre eux qui n’ont jamais rechigné à rester debouts, c’est bien qu’il doit y avoir une explication.
En lisant ce livre, remonte à la surface au fil des pages l’envahissement, c’est le cas de le dire, d’un espace qui n’était pas préparé à recevoir autant de monde. Une immigration qui a eu, ajoutée à une conjoncture qui s’y prêtait, le don de laisser les autorités municipales, administratives et politiques sur le bord du chemin. A tel point que délimiter le territoire même de cette ville cosmopolite relève aujourd’hui d’une véritable gageure. Jean Philippe Megopé Foondé n’a certainement pas tort d’ailleurs quand il affirme, à la conclusion de ce travail titanesque, que «Ecrire sur Douala, c’est comme photographier un enfant. Le temps d’un déclic, l’enfant a changé.»
Ici plus qu’ailleurs en effet, le temps est compté. Et les désignations de quartiers suivent le mouvement puisqu’il faut bien donner un nom à un espace quand des familles y prennent abri. Un travail qui mérite d’être salué. Car si l’auteur voulait assouvir une curiosité personnelle, il a commis une tache herculéenne. D’abord par la source documentaire convoquée et qui conforte sa thèse sur certaines situations «compliquées». Ensuite, il y a ce travail de terrain qui, tel que savent le faire les bons romanciers, a consisté en l’écoute des anciens. Et si au finish il reste des quiproquos sur certaines appellations, Megopé Foondé n’a pas à rougir, car c’est la preuve même que ce chantier toponymique gigantesque doit être poursuivi.
Les écrivains, les chercheurs de tous ordres, tout comme les artistes, trouveront en ce livre matière à féconder leur travail. Ce d’autant plus que d’une part la ville continue de s’étendre jusqu’aux confins d’une autre, mais aussi parce que malgré ce livre, la lisibilité de Douala continue de poser problème comme on peut le constater avec l’adressage urbain. On peut simplement regretter au bout du compte que la pédagogie que pratique l’auteur au quotidien l’ait sans doute amené à être parfois répétitif. Ce qui n’est pas bien grave pour cette bouteille à la mer qui mérite d’atterrir chez les destinataires que sont les habitants de Douala et les chercheurs et artistes. Alors pourra commencer ce travail sur notre mémoire que l’on a beau jeu de repousser à plus tard. Mais comme le dit un adage, le malheur est sur le chemin de celui qui renvoie tout à demain.
Parfait Tabapsi
 Jean Philippe Megopé Foondé, Douala, Toponymes, histoire et culture ; Yaoundé, Editions Ifrikiya, novembre 2011 262 pages

jeudi 12 avril 2012

Bafoussam ville désert.


 Le coup de gueule de Wakeu Fogaing

A Bafoussam comme dans la plupart des villes du Cameroun, la rencontre de la ville avec l’art est depuis un certain temps un rêve qui peut-être ne se réalisera jamais. On dit que Bafoussam c’est la troisième ville du Cameroun et pourtant, voici presqu’une dizaine d’année qu’il n’y a pas eu de concert de musique dans cette ville jamais il n’y a eu de spectacle de danse contemporaine dans cette ville. Le public ne sait même pas ce qu’on appelle danse contemporaine. Il n’y a jamais eu dans cette ville où je vis une exposition d’artiste plasticien de renommée. A 7 Km dans la localité de Bandjoun, Barthélémy Toguo a construit un centre d’art qui fait parler de lui à l’international mais les autorités de bafoussam ne sont même pas au courant.  Un désert où sur le plan artistique, rien ne se passe et ce n’est le souci de personne. 
Dschang à 48 Km  reçoit au moins deux spectacles de théâtre l’an, au moins deux spectacles de danse l’an et parfois des expositions mais les autorités de Bafoussam restent muettes et sourdes à ce genre d’initiative. Ne dit-on pas souvent que l’art c’est l’âme d’une ville? Que les artistes sont ceux qui montrent par leur travail la sensibilité d’un peuple et d’une culture ?  Bafoussam est une ville sans âme. Nous sommes au centre d’une tradition qui a pendant des millénaires considéré l’art comme facultatif pour l’essor de la société. L’évolution n’a rien changé à cette façon profane de penser et pourtant, vous verrez chez tous les autorités de la ville plusieurs tableaux des peintres à côté de ceux des peintres profanes. Vous les verrez vous mettre la musique de Richard Bona ou de lokua Kanza, de Michael Jackson ou d’Etienne Mbappé pour meubler le temps. Dans leurs voitures ils écoutent à longueur de journée des musiciens qui sont invités à travers le monde. 

Mais l’esprit de partage manque à beaucoup. Ils ne s’imaginent pas en train de faire vivre à la ville cette sensation d’élévation qu’ils ont en écoutant les grands. Ils considèrent (je crois) leurs administrés comme des incultes, des ignorants et des analphabètes de la chose artistique. Les autorités de la ville de Dschang se sont battues pour avoir leur Musée des civilisations. Ce musée de civilisation a transformé la ville de Dschang. A Bafoussam, on construit des marchés. Des parkings sont détruits pour construire des comptoirs. Tout est orienté vers le commerce comme si le commerce est la seule chose dont on a besoin pour être. La ville de Bafoussam est sinistre le soir, pas de cabaret, pas de cinéma, pas de centre d’art, pas d’endroit tout court où on peut aller se distraire. Il n’y a que des bars où l’ivrognerie est au centre de toute conversation, où les musiques sont jouées sur des appareils inadaptés et à un décibel pour sourds et malentendants. Se distraire à Bafoussam c’est se soûler la gueule. 
Nous à la Compagnie Feugham faisons la lecture de la poésie pour résister dans un petit restaurant ; et des spectacles de théâtre comme on peut mais nous n’y avons jamais, depuis six ans, vu une autorité venir se rincer l’esprit. Le nouveau délégué de la culture qui reçoit par sms les infos sur les activités y est passé un dimanche à 23 heures soûl comme une abeille pour dire à la tenancière de ce restaurant que c’est lui le patron de la culture à l’ouest et que des restaurants comme ça doivent lui faire des recettes pour remplir sa caisse à la Délégation. C’est un scandale de penser qu’on ne peut même pas faire un truc gratuit pour un public qui se compte sur les doigts de la main sans être obligé de payer un impôt. Ce patron de la culture à Bafoussam se dissout aussi dans l’inertie légendaire des autorités de la ville capitale pour qui l’art et la culture se résument à quelques groupes de danse traditionnelle qu’on invite à quelques cérémonies pour faire du bruit pour un cachet réduit au farottage des autorités qui passent.N’a t-on pas entendu parler de Kribi-loisir-vacance ? Une initiative louable du Maire de Kribi 1er qui met en résidence des artistes qui en retour encadrent les enfants de sa ville pendant un mois de vacances à l’art du dessin, au jeu de l’acteur, au chant, à la musique etc. Les parents des enfants qui sont encadrés ne payent rien et voient leurs enfants tout le long du mois de juillet être pris en charge par des professionnels. C’est le devoir d’un maire d’anticiper pour rendre service à sa population, pour penser à la formation et à l’éducation artistique de sa ville. 
A Bafoussam, tout dort. On ne se rend pas compte que Pascale Marthine Tayou a grandi à Bafoussam et fait le tour du monde invité par des villes ; que Barthélemy Toguo est né à Bandjoun et est mondialement connu pour son travail artistique ; que Narcisse Kouokam le grand humoriste est né à Bafoussam ; que serge olivier Fokoua qui réunit tous les deux ans les plasticiens du monde au festival des arts visuels de Yaoundé (RAVY) a passé tout son enfance à Bafoussam ; nous ne citerons pas Kouam Tawa qui vit à Bafousam et va de part le monde animer des ateliers d’écriture et apporter son expertise artistique à l’organisation des festivals. Ils sont nombreux qui font la fierté artistique du monde venus d’ici et Bafoussam les ignore, ne les invite  jamais, ne construit aucun projet intégrant l’art et la culture comme un autre facteur de développement. 

lundi 2 avril 2012

Bakassi odyssée



Livre
Alors que le nouveau livre d'Alexandre Djimeli vient de paraître à Yaoundé, voici les impressions de lecture du précédent.

L’histoire dira un jour si Alexandre T. Djimeli a bien fait de reprendre le chemin des salles de classe pour y enseigner, abandonnant derrière lui le journalisme et ses lecteurs. Lui qui en une décennie aura laissé à la postérité, à côté d’éditoriaux et d’analyses de première main, deux ouvrages essentiels sur la compréhension de deux phénomènes importants de notre temps et qui ont partie liée avec la guerre : la situation au sud du Darfour et la nouvelle donne dans la presqu’île de Bakassi au lendemain du retour de ce territoire à la souveraineté camerounaise.
En lisant le magnifique ouvrage qu’il a récemment publié chez Ifrikiya, l’on est bien sûr frappé par la détermination et le sens du détail de ce reporter né, que le séjour désormais dans les amphis aura du mal à effacer.

Là où beaucoup l’attendaient après son livre sur le Darfour, Alexandre le Grand, c’est le cas de le dire, est encore allé plus loin. Réussissant à entraîner son lecteur dans le sillage de son odyssée en ce territoire où les dangers foisonnent, mû simplement par une question essentielle posée au frontispice de son ouvrage : «Que se passe-t-il donc à Bakassi, maintenant que le Cameroun a recouvré sa pleine autorité sur la zone voici déjà quelques années ?»
Question simple mais sérieuse au vu de la situation relatée avec force détails par un reporter finalement désireux de voir son pays prendre toute la place qui lui revient dans cet espace territorial au croisement d’enjeux stratégiques d’importance. Son odyssée et ce qui en ressort démontre qu’il y a au bas mot encore du travail à y effectuer afin de rendre à cette zone tout ce qu’elle est en droit d’attendre par rapport à son progrès. Aussi, le travail du reporter ramène au goût du jour une insuffisance de vision globale et unique ainsi que de coordination dans les actions qui sont pourtant entrepris par l’exécutif camerounais.

Des manques qui plombent sérieusement l’avenir de la zone. Car entre les travaux inachevés, le racket des riverains par les forces préposées pourtant à leur sécurité et le désenclavement d’une partie importante, il y a tant à faire. Dieu merci, la guerre semble être derrière nous, mais pourquoi diable le laxisme ou à tout le moins le manque de rigueur continue de faire son lit ici alors que priorité devait être donnée au développement de cette niche de ressources en tous genres de laquelle le Cameroun pourrait d’ailleurs tirer plus que des dividendes intéressantes ? Une question parmi d’autres qui préoccupent sans doute en haut lieu, mais qui persiste à présenter son visage hideux dans le magnifique travail de M. Djimeli.
Certains pourraient arguer de ce que la plus grande partie de l’ouvrage a été préalablement lu dans les colonnes du Messager où officiaient alors l’auteur pour ne pas le lire. Ce serait faire erreur et surtout injure à ce dernier. Lui qui a pris le soin de compléter son enquête de terrain avec la documentation idoine, sans doute pris par la grippe de la recherche qui est la marque même de l’université où il se meut désormais. Ce qui est tout à son honneur et fait de son livre une mine d’informations de première main.



Alexandre T. Djimeli, Bakassi, Sur les chemins escarpés d’une reconstruction, Yaoundé, Editions Ifrikiya, Juin 2011, 182 pages

Parfait Tabapsi