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vendredi 24 août 2012

Sandrine Dole ressuscite Goddy Leye


Hommage
la stèle peu après son dévoilement.
 La designer, avec le soutien d’amis et d’institutions, a réalisé une stèle commémorative en l’honneur du plasticien dans cette bourgade au large de Douala.


La communauté artistique était bien présente samedi 11 août dernier à Bonendale. Pour un ultime hommage qui se déclinait alors en une stèle réalisée par les  amis de Goddy Leye dans le jardin de sa maison-atelier avec pour nom de baptême «Dear Goddy». Des plasticiens qui avaient tenu à manifester par leur présence une occasion comme l’on en a rarement eu au pays de Pascal Kenfack, illustre devancier et formateur d’un Goddy dont le talent continuera sans doute d’irradier la scène plastique camerounaise et même africaine.
A sa mort déjà, la chercheure française Dominique Malaquais, qui connaît bien le Cameroun, ne disait-elle pas que Goddy lui avait appris à «rêver et faire vivre ses rêves» ? Dévoilant la stèle, la designer française vivant au Maroc Sandrine Dole allait faire savoir que l’œuvre se «propose de perpétuer la mémoire de Goddy Leye et d’offrir à ses proches un lieu de recueillement et de méditation». Et de fait quelle œuvre ! A la fois simple et complexe, «Dear Goddy» se présente en fait sous la forme de la lettre G, avec le pied qui prend la direction du ciel ; ou, d’une autre perspective, un ruban avec siège pour une conversation, l’œil rivé dans le trou suspendu au milieu du bois poli juste en face de soi.  Une autre invitation à la création en somme, tant cette conversation avec l’absent peut déboucher sur de nouvelles possibilités artistiques. Car à la douleur de la disparition doit succéder l’acte de création, meilleur hommage s’il en faut à un artiste avant-gardiste et solidaire comme on en trouve rarement dans le milieu. A noter qu’au-dessus de l’ensemble, trône une sorte de main unique composée de plusieurs autres, symbole tiré d’une des œuvres de Goddy qui essayait alors par là-même de promouvoir l’unité africaine. L’autre symbole, et non des moindres, de cette œuvre est constitué par les fleurs incrustées à l’intersection des deux parties de la stèle et qui du point de vue de Dole «représente la vie qui doit continuer malgré tout avec ses lumières.»
Les artistes et autres riverains de cette bourgade où l’art a pris ses quartiers depuis une décennie continueront donc le dialogue que la mort physique a interrompu en février 2011 à travers «Dear Goddy». Avec sans doute pour perspective de nouvelles créations et de nouveaux dialogues plus artistiques et, pourquoi pas, plus humains tout simplement.

mardi 21 août 2012

Félix Kama : Je suis optimiste sur le théâtre camerounais


sur scène. DR
Théâtre
 
L’ex sociétaire du «Théâtre universitaire» aujourd’hui salarié à la Theater Haus de Stuttgart en RFA revient sur la période faste du théâtre camerounais et ne désespère pas d'un avenir meilleur pour cet art dans son pays.


 Entretien à Stuttgart

  On vous retrouve ici à Stuttgart alors même qu’au Cameroun l’on se demande ce que vous êtes devenu. Pouvez-vous d’abord nous dire ce qui vous a amené à vous installer ici en Allemagne ?
Les raisons de cette migration sont nombreuses. D’abord, j’ai grandi dans le théâtre universitaire des années 80 où j’ai fait mes armes de comédien  sous la férule de Jacqueline Leloup. Malheureusement quatre années après mon entrée au sein de cette troupe prestigieuse, elle quittait le Cameroun. On est là en 1988. Il était alors question de continuer de travailler et de fructifier ce qui avait été fait jusque là vu qu’elle avait placé la barre à un certain niveau. Malheureusement, avec son départ, les autorités de l’Université du Cameroun n’ont pas continué leur action envers la troupe de la même manière. Nous avons comme ça été lâchés par notre tutelle, ce qui a créé une démobilisation et un effritement de la troupe qui vivotait sans moyens. Pour que vos lecteurs comprennent, je dois dire que même la salle de répétitions qui nous était alloué nous a été retirée, au point où dans les derniers moments nous travaillons sous le manguier qui était devant le bâtiment prévu pour les répétitions.
Pouvez-vous nous raconter l’ambiance qu’il y avait au sein de la troupe du temps de Mme Leloup ?
On avait avant toute chose un parapluie financier. L’université, qui était notre tutelle, s’occupait de tous nos déplacements et de toutes nos productions. Nous ne nous préoccupions guère de la recherche des financements, ce qui nous permettait de nous concentrer sur nos créations. Cela est important dans la mesure où la fin de ce financement a provoqué une démobilisation et plus tard la disparition du Théâtre universitaire. L’autre chose est que nous étions une bande de gamins qui était unie par la passion bénévole du théâtre, car malgré notre travail hautement professionnel, nous n’étions pas rémunérés. Il n’y a donc que la passion qui nous animait. Et c’est celle-ci qui a mis le Théâtre universitaire au niveau où il se trouvait en ces années-là. En troisième lieu, la troupe comprenait en plus des comédiens des dramaturges de haute facture. Ce sont ces dramaturges qui ont créé les différents personnages et intrigues qui marquent encore les esprits au Cameroun et en Afrique aujourd’hui.
C’est donc cette harmonie dramaturges-comédiens qui a rendu le Théâtre universitaire du Cameroun célèbre sur le continent. Comment analysez-vous ce succès-là 25 ans plus loin ?
Deux choses sont à prendre en considération pour expliquer et analyser ce succès qui a dépassé les frontières camerounaises. Il y a la passion et le travail. Malheureusement, il est arrivé beaucoup de temps après que la situation a changé et d’autres intérêts ont pris le dessus sur la passion et le travail sur la scène camerounaise. Il reste quelques fous qui croient en l’art et qui donneraient leur dernière chemise pour lui. Exactement un peu comme nous le faisions jadis lorsque nous allions aux répétitions à pied pendant des mois pour préparer un spectacle ou que nous jouions sans rémunération. Il nous est arrivé plusieurs fois mes compères et moi de sortir de la salle d’examen en fac pour courir à une répétition ou à un spectacle  à dix ou 15 Kms du campus. Je ne voudrais pas préjuger de mes jeunes confrères de la scène au Cameroun, mais je crains que beaucoup soient capables d’en faire de même aujourd’hui. 
Jouant "Wo ist besser", sa pièce à succès. DR

 

Quand le Théâtre universitaire se démobilise complètement à la fin de la décennie 80, que devenez-vous ?
Il est très difficile de courir contre un mur plusieurs fois, à moins d’être un kamikaze. Nous avons pendant trois ans essayé de lutter avec nos modestes moyens pour entretenir la flamme et ce avec quelques succès à la clé. Le premier d’ailleurs était en 1989 à Bouaké en Côte d’Ivoire où nous avons représenté le Cameroun à un festival universitaire du théâtre. J’en veux pour preuve simplement le fait que c’était la première fois que les organisateurs donnaient la possibilité au public d’élire les meilleurs spectacles, comédiens, troupes et metteurs en scène … Et dire que nous y avions été invités sans être informés qu’il y aurait compétition ! Nous nous y sommes retrouvés avec des compagnies ouest-africaines et de la Martinique. Chaque troupe devait exécuter un spectacle et en une seule fois. A cette période, le Théâtre universitaire avait deux pièces : «Le testament du chien» et «Gueïdo». Une fois sur place, la Martinique ayant désisté, nous proposons aux organisateurs de les dépanner en jouant gratuitement une pièce de notre besace avant notre date fixée à deux jours de la fin du festival. Ce qu’ils acceptent. La représentation du «Testament…», a jeté un frisson sur la compétition, au point que le lendemain, l’alors ministre ivoirien en charge de la culture Laurent Dona Fologo est monté sur la scène pour décréter la fin de la compétition. Comme le public, il s’était sans doute posé la question de savoir que si un spectacle de dépannage gratuit atteint ce niveau, qu’en sera-t-il du spectacle payant ? Au lendemain de notre 2è spectacle «Geïdo», le quotidien ivoirien Fraternité Matin titrait «Le Cameroun et les autres».
Après donc cette expédition à succès en terre ivoirienne, que devenez-vous ?
Pendant deux ans, nous avons continué dans des conditions terribles car ni notre aura ni cette épopée ivoirienne n’ont pas ramené les autorités à de meilleurs sentiments. Dans le même temps, la plupart d’entre nous avaient terminé leurs études et certains avaient même trouvé du travail. On était en plus devenus adultes et avions déjà des responsabilités familiales à assurer. Je me souviens même que mon ami David Noundji avait été affecté comme enseignant à Yokadouma. En plus donc du lâchage de notre tutelle, il y en avait dans les ministères qui voulaient en découdre avec nous pour des raisons qu’eux seuls peuvent expliquer. Naïfs, nous sommes allés à la rencontre de celui qui était en charge de la troupe et qui enseignait le théâtre à l’effet de voir comment il était possible de ramener le comédien Noundji à Yaoundé et voici le discours qu’il nous tint : «Vous n’êtes plus étudiant, vous voulez tromper les gens. Cela est bien fait, on va vous démanteler complètement.»
Pouvons-nous savoir de qui il s’agit ?
Je ne voudrais pas donner de nom, juste quelques indications : c’est un monsieur qui a occupé de hautes fonctions au ministère de la culture, qui a enseigné et continue d’enseigner à l’Université de Yaoundé et qui était en charge du Théâtre universitaire anglophone qu’il avait créé.
Après ces péripéties, vous ressuscitez en quelque sorte à Stuttgart quelques années plus loin. Comment cela s’est-il passé ?
Après cette difficile expérience, je me suis retrouvé au chômage cinq années durant. J’avais du temps où j’étais à l’université fait des études littéraires. Animés par la flamme théâtrale, j’ai cependant continué malgré les affres du chômage à travailler avec quelques fous comme François Bingono, David Noundji, feus Djapa et Tchio. Ensemble, nous avons monté le «Théâtre international de Yaoundé» qui comprenais également l’Italien E. Garzola, Elisabeth Meka... N’ayant pas de tuteur financier, la situation est rapidement devenue intenable. On s’est donc finalement dispersé. Avec Bingono, on a voulu assurer la relève et c’est ainsi qu’on a monté une petite école de formation «Alabado théâtre» d’où sont sortis quelques fleurons de la scène actuelle. Parallèlement, j’entre à l’Ecole normale supérieure en 91 et en sors deux ans plus loin comme enseignant de français. En 94, l’UNESCO lance un appel pour une bourse pour une résidence de 40 artistes de tous les genres à Stuttgart, à la Akademie Schloss Solitude. Je candidate et sur les près de 2000 candidatures du monde entier, je suis retenu pour cette résidence d’écriture. J’effectue le voyage en 1996. 
En vrai. DR

Pourquoi êtes-vous resté ici ?
Au bout de huit mois de résidence, j’ai reçu une proposition de la «Theater Haus» de Stuttgart où j’ai depuis un emploi permanent.
Quels rapports entretenez-vous avec le Cameroun au plan artistique ?
Je dois dire que je continue d’écrire et de créer. Etant dans une autre culture qui me donne d’autres perspectives et horizons, j’écris pour des comédiens camerounais. David Noundji a par exemple tourné avec l’une de mes pièces au Cameroun avec beaucoup de succès. Parallèlement à cela, les anciens du Théâtre universitaire ont voulu recréer les spectacles qui ont fait notre fortune. Cette expérience a fait long feu. J’y ai injecté de l’argent mais les sponsors escomptés n’ont pas suivi. Mais je ne désespère pas parce que ce projet reste en nous et chaque fois que nous nous rencontrons, nous avons une grosse envie de réaliser ce projet. Nous tenons à faire revivre ces émotions d’antan aux Camerounais.
Des échos que vous avez d’ici sur le théâtre camerounais vous rendent-ils optimistes ou pessimiste ?
Je suis optimiste parce que la culture camerounaise est très riche ; il y existe un vivier inépuisable de talents. Permettez que je ne cite personne pour ne pas en frustrer davantage. Je suis de très près la scène camerounaise qui comporte des déchets comme partout ailleurs. C’est un peu comme le foot où malgré des talents à la réputation mondiale établie, notre football est dans les marais du foot mondial. Je suis de ceux qui pensent que le talent ne meurt pas. Et tant que la graine ne meurt pas, il y a espoir.
Sauf que le Cameroun n’a pas de salle de spectacle digne de ce nom depuis les fermetures successives des cinémas. L’infrastructure artistique dans le théâtre comme dans beaucoup de champs artistiques manque cruellement et on a du mal à partager votre optimisme.
Pour réponse, je rappelle simplement que lors de notre épopée ivoirienne en 1988, nous travaillions sous les manguiers !

Jospin par lui-même

Littérature

Face à deux confrères, l’ancien Premier ministre relate son parcours politique sans animosité, mais avec acrimonie, guidé qu'il a toujours été par le service de l’Etat. 




Ce livre entretien c’est avant tout une incursion dans la méthode Jospin de la gestion publique en France. Une méthode qui n’est pas loin des valeurs inculquées à l’ancien Premier ministre par son père, prof de lettres, et sa mère, sage-femme.  Des parents qui bien que de sensibilité de gauche étaient «attachés à la liberté de penser» et «formaient leurs jugements eux-mêmes». L’homme a ainsi grandi «dans un milieu ouvert, libre, mais articulé autour de valeurs éthiques.» Toutes choses qui allaient le prédisposer à la bonne gestion des affaires publiques ? Sans doute. Mais auront été déterminant pour le jeune fonctionnaire du ministre des Affaires étrangères qui s’engage en politique grâce à des rencontres. Il y eut d’abord celle d’avec l’Allemand Boris Fraenkel installé en France dans les années 60. En cette période où «Les socialistes de la SFIO sont décrédibilisés par la guerre d’Algérie, et le PSU (qui) ne perce pas politiquement», le jeune homme s’initie auprès de cet introducteur de Marcuse en France et dévoreur de livres au trotskisme où «le cosmopolitisme européen» figure en bonne place. Trotski lui apparaît alors comme un homme de grande culture, ouvert sur le monde, ayant des liens multiples avec les intellectuels et les artistes.
L’autre rencontre est celle d’avec François Mitterrand après son adhésion au parti socialiste en juin 1971 au lendemain du fameux congrès d’Epinay. Il voit dans cette adhésion le moyen de concilier ses convictions d’homme de gauche et sa formation pratique. Commence alors une ascension qui, sans être fulgurante n’en est pas moins particulière. Au fil de son récit, l’on sent un Jospin tout dédié au parti et à la politique qu’il pratique désormais même en se rasant comme dirait son nouveau mentor. Un lien presqu’intime se tisse entre les deux au fil des ans et des victoires. C’est ainsi que deux ans après son adhésion il devient secrétaire national à la formation du parti. Après quelques autres responsabilités de premier plan, il devient numéro 2 puis Premier secrétaire après la présidentielle de 1981 et le départ de Mitterrand pour l’Elysée.
Le septennat qui va suivra va lui permettre de s’affirmer auprès des siens par son sens du travail bien fait, de la bravoure et du courage. Derrière l’ombre de son mentor, il parvient à se faire une place, fut-ce au prix de certains désaccords avec le président. Des années qui, racontées par lui, permettent de se rendre compte qu’il est devenu une forte tête qui, malgré la discipline du parti, n’hésite pas à imposer sa donne. C’est ainsi qu’il décidera au grand étonnement de beaucoup d’abandonner le parti pour aller au cours du 2è septennat de Mitterrand s’occuper du ministère de l’Education nationale. Où il aura l’occasion d’impulser des réformes et de mettre en pratique ce qu’il dessinait déjà dans les années 70.
Comme souvent pour ce type de personnalité publique, certains choix s’imposeront en quelque sorte à lui. C’est le cas avec sa candidature à la présidentielle de 1995 alors qu’il n’est plus dans le directoire du parti ; ou encore cette dissolution de 1997 qui lui ouvre la voie de Matignon pour cinq années qui ont marqué l’histoire récente de la France. Même l’échec au premier tour en 2002 restera aussi comme quelque chose d’imposé par la destinée. Trahi par une gauche qui refuse de s’unir derrière lui alors qu’il a un bon bilan à défendre. Il prend donc sa retraite politique à une marche du sacre. De ce retrait beaucoup sera dit, mais pour Jospin, il était alors question de prendre ses responsabilités et de «réintroduire la gravité» dans «l’inconséquence de la gauche dans cette élection». Au bout du parcours, il estime avoir «trois motifs de satisfaction : avoir agi selon les convictions et sans cynisme ; s’être efforcé de servir l’intérêt général ; se sentir, non pas apprécié par tous, mais aimé de certains et respecté par beaucoup.» Et si c’était cela qui l’avait empêché d’atteindre, finalement, le graal de l’Elysée ?
Lionel raconte Jospin, entretien avec Pierre Favier et Patrick Rotman, Paris, Seuil, Janvier 2010, 272 pages.

lundi 13 août 2012

"Dear Goddy" est là!

Hommage
La stèle dans toute sa majesté.

Discours d'inauguration.







samedi 11 août dernier, Goddy Leye a ressuscité à Bonendalé. Pas pour accompagner ses camarades artistes dans son antre mythique "Art Bakery", mais sous la forme d'une stèle pour un hommage posthume. Une oeuvre goupillée par la designer française Sandrine Dole qui vit au Maroc et donc les oeuvres sont disséminées dans la ville de Douala à un jet de pierre de là.
En attendant de vous en dire plus, voici la description technique de cette stèle commémorative qui a vu le jour grâce aux dons et autres efforts de la communauté artistique d'ici et d'ailleurs.

Avec le pote Landry Mbassi.

Art Bakery.
 
Dear Goddy est un projet de mobilier commémoratif en hommage à Goddy Leye, plasticien camerounais décédé début 2011.Ruban continu en granit, partant du sol, intégrant une assise et filant vers le ciel, le mobilier invite le visiteur à s'installer comme pour converser avec Goddy Leye. Un hibiscus anime le site avec sa couleur et son arôme, son balancement et sa croissance, et renforce le sentiment d’intimité en créant avec l’environnement un écran léger. Un médaillon en verre figurant le portrait de l'artiste grandeur nature est incrusté dans la stèle à hauteur d'yeux du visiteur assis, et capte la lumière du jour, telle une aura rémanente... Le mobilier est implanté à Bonendalé-Douala dans un espace propice au recueillement. Pour souligner la solennité du lieu, la stèle se détache sur un parterre circulaire, formé de pelouse.

L’amour jusqu’à la mort


Théâtre
La prof et son bourreau dans un final de feu.
  
Avec cette première mise en scène au Cameroun, la Française Solaïma Arabi fait une incursion remarquée dans le théâtre noir de Koffi Kwahulé. Ames sensibles, passez votre chemin.
 
Imaginez une prison avec une cellule de huit femmes. Des femmes fortes à leur manière car ayant dans un passé pas lointain été coupables de meurtres qui les ont directement conduites, sans rémission, vers ce bagne où les jours sont loin d’être tranquilles. Dans ce repère problématique, elles doivent pourtant se mettre au théâtre. Pas celui de leur vie passée ou actuelle, mais celui de la gaîté et de la joie de vivre. Entraînées par une prof dont le destin, dès le départ de la pièce est voué à une fin triste.
Mais avant de parvenir à quelque représentation, le spectateur sera saisi par les mobiles des meurtres successifs des prisonnières. Cela au moyen d’un jeu que les comédiennes ont joué jusqu’au bout, réussissant au passage à rendre le spectateur transi par ce qui apert comme un sort à elles jeté, elles qui ne demandaient pourtant qu’à vivre et à aimer. C’est là un point positif que la metteure en scène française Soleïma Arabi, que l’on connaissait jusque là comme animatrice culturelle de l’IFC avec un fort penchant pour le théâtre néanmoins, a réussi à mettre en exergue dans un numéro qui gagnerait cependant à être raccourci. Les filles, pour la plupart connues des théâtreux de Yaoundé, ont donc sorti leurs tripes, puisé au fond d’un bagage artistique qu’on ne leur soupçonnait guère des ingrédients bien à propos pour rendre leur présence scénique saisissante.
Sauf que la longueur de la pièce -150 min pour la première à l’IFC et 10 min de moins pour la suite- ne les a pas beaucoup aidées. Leur jeu d’ailleurs suggère fortement que des pans entiers soient économisés pour les dates futures. Ce qui permettra non seulement de mettre ces performances d’ensemble bien en exergue, mais aussi de les fatiguer un peu moins, vu que cette lecture du merveilleux texte de Koffi Kwahulé requiert un rendu scénique très physique, un peu dans la lignée d’un Grottowski auquel le Camerounais Martin Ambarra a habitué les spectateurs de Yaoundé. Arabi pourrait également revoir la lumière et, pourquoi pas, entrecouper les séquences, de l’air bienheureux d’un Theolonius Monk qui s’arrête à l’ouverture du spectacle.
Un Kwahulé qu’Arabi aura su cependant rendre en prenant moins de liberté avec le texte et en disciplinant bien les actrices quoi que la scénographie demande encore à être peaufiné comme on a pu s’en apercevoir lors des soirées à l’OTHNI où les espaces sont plus réduites. Pour le reste, ce fut un véritable plaisir qui a permis par ailleurs de s’interroger sur la vie quotidienne où l’amour des femmes peut conduire à des excès dommageables pour peu qu’elles ne soient pas comprises.

Edith Nana dans un solo remarqué.
 Misterioso 119 de Koffi Kwahulé, par les Cies Ngoti (Cameroun) et Ici, Là-Bas et Ailleurs (France), MS de Soleïma Arabi, avec Clémentine Abena Ahanda, Jeanne Mbenti, Marlyse Menye, Edith Nana Tchuinang, Charlotte Ntamack, Hermine Yollo, Nicaise Magloire Wegang, Meli Doris, Becky Beh ; régie de Roméo Nsem.