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jeudi 21 mars 2013

Guillaume Oyono Mbia: une vie au service de l’écriture

Portrait théâtre

L’auteur de «Trois prétendants un mari» coule des jours paisibles en son village de Mvoutessi II où il nous a reçu le 11 février dernier.

Au seuil de son domicile. fév.2013
Lorsque Joseph Fumtim et moi nous engouffrons dans un car de transport en commun depuis Yaoundé ce 11 février en direction de Mvoutessi II, nous parions presque sur la manière avec laquelle notre hôte nous recevra. A force, nous finissons par nous en remettre à sa bonhommie qu’il m’est déjà arrivé de tester par le passé lors de l’un de ses passages à Yaoundé où il vient tous les mois toucher sa pension retraite. Ce qui nous conforte également c’est l’entregent de notre facilitateur, l’écrivain Anne Cillon Perri qui vient de publier, avec Fumtim, la première biographie du guitariste Zanzibar chez Ifrikiya et dont la dédicace est programmée pour la semaine suivante.
Une fois à destination, c’est les bras ouverts que le dramaturge prolifique Guillaume Oyono Mbia nous accueille dans sa grande cour. Après avoir pris place à la véranda où les présentations n’en finissent plus de durer, voilà son épouse qui, en accoutrement de cultivatrice, fait irruption pour nous souhaiter la bienvenue et nous dire combien nous sommes chez nous ici. Il n’en faut pas plus pour instaurer une confiance nécessaire aux échanges dont nous sommes impatients de commencer. Echanges au cours desquels il nous a fallu prêter l’oreille, car notre interlocuteur n’a pas l’habitude d’élever la voix.
A écouter notre hôte, sa vie a connu bien de stations qui, chacune, a conditionné quelque peu la suite. Il y eût d’abord l’enfance à Mvoutessi, puis l’école primaire à Metet, à 20 km de son village. Premier voyage pour aller à l’école. Avec cette «chance» qu’ici, ce sont les missionnaires qui ont les meilleures écoles en cette période d’après-guerre. L’élève Mbia va donc s’adonner à cette nouvelle vie avec un entrain certain d’autant plus qu’ici, c’est un peu le prolongement de la vie au village. L’Eglise protestante américaine met en effet un point d’honneur à ce que les élèves apprennent d’abord les langues du terroir avant d’en découdre avec les langues étrangères.
A l’époque, il profite des vacances au village pour s’imprégner des pratiques culturelles qui vont lui servir plus tard comme toile de fond à ses œuvres. Parlant du théâtre, il dit «Dans la société traditionnelle, le théâtre renvoyait aussi au jeu, aux danses qui n’étaient rien d’autre que la mise en exergue d’une gestuelle observable dans la vie quotidienne. Et dans cette société, la gestuelle importait plus que la musique qui la portait. Le théâtre rentrait ainsi dans cette volonté de parler de la vie ou de l’histoire et des mythes d’un peuple via la musique, la danse, les contes... Les soirs, la grande cour servait de lieu d’expression de tous ces arts pour le bonheur des enfants que nous étions.»

Missionnaires
Il continuera ainsi jusqu’à son Certificat d’études primaires et élémentaires (CEPE) qui sanctionnera son cycle primaire. Certificat qu’il ira quérir, non sans péril, à Mbalmayo, soit à 40 km environ de Metet. Occasion qui lui permettra de se rendre compte de la solidarité camerounaise, vu que lui et ses camarades seront l’objet d’une hospitalité de familles qu’ils ne connaissent pas. Viendra après le collège. Une deuxième station qui aura pour théâtre Libamba, très loin de son terroir d’origine, mais toujours chez les missionnaires chrétiens. Là bas, il est inscrit directement en classe de quatrième. Et pourquoi donc ? Voici sa réponse : «J’ai eu une chance mon grand oncle enseignait l’allemand à l’époque de la colonisation germanique. Il me l’a enseigné. Au cours d’une récréation à Metet, le maître a découvert que je parlais cette langue et s’en ouvert à la directrice. C’est ainsi qu’après mon CEPE, je suis envoyé au Collège Libamba où j’ai été inscrit en classe de 4è.» Ce qui n’a entamé en rien sa capacité à se hisser toujours au sommet. Il traversera d’ailleurs les classes suivantes comme une comète, avec des résultats plus qu’honorables vu qu’il sera toujours le premier.
Curieux n’est-ce pas ? Mais on est loin d’en avoir fini. Car en classe de Seconde, par une confusion que seule l’histoire a le secret, il va inscrire son nom au panthéon du théâtre national et international. Parole à Oyono Mbia : «Une cousine avait été contrainte d’aller en mariage contre son gré. J’en ai profité pour noter tout ce que je voyais et entendais dans un cahier. Et à l’heure de remettre un devoir de classe, j’ai confondu de cahier et remis celui de mon histoire. C’était à un retour de vacances. J’étais le meilleur élève de français, anglais, allemand et musique. Mon prof revient me voir le lendemain et me dit de venir à son bureau pour m’annoncer que j’ai écrit une pièce de théâtre, ce qui me surprend. Dans la foulée, il va voir le directeur et c’est ainsi qu’un congé supplémentaire m’est donné pour finir la pièce. Cela m’a pris six jours pour la terminer. Voilà donc la petite histoire de «Trois prétendants un mari». Puis elle a été montée et jouée à Libamba pour la première fois par des camarades. En présence des élèves de Sacré cœur de Makak et les autorités administratives du coin.»

Concours et bourse
On en est à se demander ce qui se passe que la compagnie française UAT/AIR France lance un concours en direction des élèves d’Afrique avec pour thème «Le rôle de l’avion dans le développement des pays africains». Bien que n’ayant pas vécu près d’un aéroport, le jeune premier s’appuie sur sa culture générale issue de ses lectures aussi bien en anglais, français qu’en allemand pour remporter le concours dans la section des 2è cycles du secondaire. A l’annonce de la nouvelle un jour de 161, il s’en trouvera des camarades et des enseignants pour balancer un «encore lui !» que Mbia n’écoute que d’une oreille. Car déjà, il doit prendre l’avion, non sans que son directeur, un Américain réputé pour sa retenue, n’ait exécuté des pas de danse improvisés dans la cour du collège et que son père lui ait envoyé un costume pour son périple français. C’est ainsi qu’au milieu des années 50, le jeune élève va découvrir Paris par un soir d’été, le tapis rouge en prime.
A son retour, sa réputation est faite. Et il commence à être sollicité. Mais c’est le gouvernement britannique qui trouvera la meilleure parade pour prendre ce génie aux talents multiples dans son escarcelle. Ce sera sous la forme d’une bourse d’études de la British Council, alors même que Mbia n’a fini que la première partie de son baccalauréat. Il s’envolera donc pour Londres en 1964 où il s’inscrira dans une école d’interprétariat, la London Tuition Centre, School of English. Bien qu’il soit le seul Africain, il n’en sortira pourtant pas moins major au bout de quatre ans. Comme quoi le génie n’a que faire des frontières. Après sa formation, il est sollicité par des universités anglaises et décide de poursuivre des études dans en langue anglaise qu’il achève également haut la main comme à son habitude. Ce panorama anglais serait incomplet si l’on ne signalait pas qu’il dût présenter avec succès le GCE à son arrivée au pays de Samuel Beckett.
Tout en poursuivant ainsi ses études, il ne manque pas de faire un clin d’œil au théâtre qui l’a consacré au pays. Déjà Ambroise Mbia, qui n’est pas encore son beau-frère, à travers sa troupe ‘Le jeune théâtre africain’, multiplie les représentations de «Trois prétendants un mari» en France. Avec au générique les Marcelline Alessi, Nicolas Soglo, Bitty Moro, Jenny Alpha et autres Jacques Lisette et Graziella Dorville. L’auteur de la pièce y fera plusieurs allers-retours tout en continuant à écrire. C’est ainsi que sa nouvelle pièce «Jusqu’à nouvel avis», écrit initialement en anglais sous le titre «Until Further Notice», recevra le prix BBC en 1966. Il profite aussi de cette aura pour visiter les Etats-Unis, non sans irradier la presse anglaise. Le très sérieux The Guardian lui accordera plusieurs pages dans son édition du mardi 13 février 1968 avec ce titre «Switch and collect» où le dilemme d’Oyono Mbia sur le sens de son écriture est présenté. Lui qui en Angleterre écrit sur son pays et qui une fois de retour au Cameroun sera sommé d’écrire sur l’Angleterre.
C’est sur ces entrefaites que Mbia retourne au pays natal où il rejoint l’université pour y enseigner. Il y poursuivra une carrière riche jusqu’à la retraite il y a quelques années tout en occupant des fonctions au ministère de la Culture. Aujourd’hui abandonné à lui-même dans son village, il continue pourtant d’écrire et d ‘enseigner la musique qu’il aime tant, au milieu de bien de prix et récompenses, témoins d’un passé finalement fulgurant. Sur ses droits d’auteur, il est très amer. Son épouse de plus de trente ans n’en finit plus de raconter cette anecdote qui veut qu’à la SOCILADRA, il n’ait pas toute la considération que son travail d’auteur mérite. Le 2 mars dernier, il a eu 74 ans qu’il ne fait d’ailleurs pas.
Parfait Tabapsi

Oyono Mbia en dates
2/03/1939 : naissance à Mvoutessi
1963 : publication de «Trois prétendants un mari» aux éditions CLE
1964 : départ pour Londres
1969 : retour au Cameroun après avoir été 2è au concours ORTF avec «Notre fille ne se mariera pas»
1970 : lauréat de la 1èr édition du «Prix  El Hadj Ahmadou Ahidjo» avec les versions française et anglaise de «Trois prétendants un mari»
1979 : chevalier de la Pléiade, ordre de la francophonie et du dialogue des cultures
2000 : officier de l’ordre national de la valeur
 

vendredi 1 mars 2013

Têtes brûlées, un label à relifter



Musique, concert

Avec le spectacle du 22 février dernier, le mythique groupe n’a pas été à la hauteur de sa réputation. On attend encore les véritables héritiers de Zanzibar et Soul Mangouma.
Roger Bekongo pendant les répétitions.
Escroquerie ? Imposture ? Difficile de trouver le bon mot pour dire ce que le concert marquant le retour des Têtes brûlées sur la grande scène a suscité chez les spectateurs qui étaient dans la grande salle de l’IFC de Yaoundé le 22 février dernier. De longs jours après, on cherche en vain quel coup André Afata et Roger Bekongo, deux anciens de ce groupe mythique de la musique camerounaise, ont voulu faire réellement au moyen de ce concert. Inutile ici de revenir sur la polémique de la paternité du groupe qui revient sans aucune discussion à Jean-Marie Ahanda, mais il convient de dire qu’avec ce qu’on a vu, l’esprit du groupe a pour le moins foutu le camp chez ceux qui pouvaient légitimement prétendre en être les dépositaires vu leur passé de sociétaires.
L’entourloupe avait commencé avec la programmation du concert sans que le créateur du groupe n’en soit informé. Une bourde qui allait en appeler d’autres avec notamment l’affiche du concert où se trouvaient en bonne place Soul Mangouma et surtout Zanzibar qui ne sont plus de ce monde, avec en prime une Kathy Bass isolé à l’extrême dans un photomontage pas réussi. On voulut bien croire que tout cela n’était que peccadille jusqu’à ce que deux jours avant le jour j, la joyeuse troupe, profitant de la dédicace de la première biographie de Zanzibar, ne livre un avant goût appétissant que la soirée du 22 allait consacrer. Mais c’était ignorer que le groupe mythique ne s’accommode guère de l’à peu près.
C’est donc chargé d’espoirs illimités que le public –pas celui des grands jours heureusement- vint au concert. Pour découvrir un pot aux roses bien malodorant. Si les Têtes brûlées sur la scène c’est trois choses en priorité (compositions ouvertes sur le monde avec au centre la guitare solo et le dialogue solo-basse ; le look de scène tout aussi ouvert sur la peinture et des tenues hors de mode et enfin l’ambiance scénique avec en son centre le ballon de foot et le sifflet), il n’en fut rien ou presque ce 22 février. Sur le jeu d’abord, Afata et Bekongo furent très en deçà de leurs possibilités. Surtout pour ce qui est de Bekongo qui eût du mal à suivre la vitesse des solos de son ancien acolyte Zanzibar ou encore à l’heure de chanter. Oui le lead vocal fut un boulet que l’ensemble traîna tout le long des 3h de prestation. Il y a ensuite l’ambiance de scène. A la place des jeux de jambes réguliers, des mouvements des épaules et de la tête ou du maniement du ballon de foot, l’on eût droit à une station debout quasi-permanente des trois guitaristes. Ajoutez-y le jeu très moyen de la bassiste du jour, et c’en était trop. Et dire que le supplice dura jusqu’au milieu de la nuit, donnant quelque espoir au public averti qu’une étincelle pourrait survenir.
Il n’en fut finalement rien. Et pour ceux qui avaient cru le contraire, il ne leur restait plus qu’à conseiller au sosie du groupe mythique d’en retourner à ses chères études de cabaret où les approximations sont encore permises. Mais surtout, les connaisseurs sont repartis en espérant que Jean-Marie Ahanda voudra bien mettre sur le marché l’album de retour dont le single ‘Repentence’ –sorti en 2008 aux USA avec des requins au jeu unique comme Abanda Abanda (batterie) ou Jacques Atini dit Tino Barosa (guitare, chant)- résonne encore dans leurs oreilles. Seront-ils entendus ? Il faut l’espérer.
Parfait Tabapsi